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CONTES D’ITALIE

l’air, comme des rubans ; dans la carafe miroitante, dans les gobelets, le vin d’Ahmandino flamboie ; du lointain arrive le bruissement soyeux de la mer.

— Écoute, mon bon Vincenzo, dit le serrurier, toi qui sais faire des poésies, veux-tu chanter en vers comment je suis devenu socialiste ?… Mais te l’ai-je raconté ?

— Non, répond le peintre en remplissant les verres, tu ne m’en as jamais parlé. Cette peau-là te va si bien, que j’ai toujours pensé que tu étais né dedans.

— Je suis né bête et nu, comme toi, comme tout le monde ; dans ma jeunesse je rêvais d’une femme riche ; soldat, j’étudiai pour passer l’examen d’officier ; j’avais vingt-trois ans quand je sentis que tout n’allait pas pour le mieux dans le monde et qu’il était honteux de vivre en imbécile…

Le peintre s’était accoudé ; la tête rejetée en arrière, il regardait la montagne où d’immenses sapins agitent leurs branches, au bord même de la crête abrupte.

— C’était à Bologne, où l’on avait envoyé