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Il n’est pas sûr, nous dit-on, qu’il soit demeuré étranger à ce crime. — Quelle abominable façon de procéder au tribunal de M. Ampère ! Avec ce système, il ne sera pas sûr que l’archevêque soit demeuré étranger au rapt de la fille de Charles le Chauve par Baudouin ; il ne sera pas sûr qu’il n’ait point participé à l’empoisonnement de l’empereur Charles ; il ne sera pas sûr que tout candidat au prix Montyon ne soit un Atar-Gull[1]. Qu’est-ce donc que M. Ampère trouve dans son cœur pour qu’il ne soupçonne que fourberie dans celui d’un si grand et si vénérable personnage ?

Quand on avance qu’Hincmar écrivit son traité Du Divorce de Lothaire pour complaire au roi de France et au pape, on prouve qu’on a fort mal lu cet opuscule.

Si le prélat avait servi quelque rancune du roi Charles, il se serait occupé à déclamer contre Lothaire ; il n’aurait pas tracé l’ordre à suivre dans les débats, au cas où l’on voudrait juger Theuteberge, malgré sa précédente justification par l’épreuve de l’eau bouillante ; il n’aurait pas insisté, en six grandes colonnes, pour que le roi de France, quelque affection qu’il portât à Hubert, frère inculpé de Theuteberge, l’envoyât en Lorraine, afin d’y être jugé avec la reine.

Si Hincmar avait reçu de Rome son mot d’ordre, est-ce qu’il aurait dit que, dans la supposition de la culpabilité de Theuteberge, Lothaire pourrait épouser Valdrade ? L’aurait-il dit, puisque Nicolas Ier déclarait que, Theuteberge morte, le roi de Lorraine ne pourrait s’unir à la femme qu’il avait aimée d’un amour adultère[2] ?

Hincmar, dans son traité sur le divorce de Lothaire, ne fut donc complètement de l’avis de personne autre que de lui-même, et n’exprima que sa propre pensée.

  1. On connaît le roman de M. Eugène Sue intitulé Atar-Gull.
  2. Sirmond, Conc ant Gall, t. III, p. 328, Ep. Nicolai ad Lotharium.