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OBLOMOFF.

cela, comme votre parent, continua Taranntieff. Je lui ai emprunté, je ne sais plus quand, il y a deux ans, cinquante roubles. Voyons, est-ce une somme que cinquante roubles ? Comment ne pas oublier cela ? je vous le demande. Ah ouiche, il ne l’oublie pas, lui ! Tous les mois, quand il me rencontre, « Eh bien ! et la petite dette ? » dit-il. Il m’assomme ! Mais ce n’est pas tout, hier il est venu chez nous, dans les bureaux. « Vous avez dû toucher vos appointements, dit-il, vous ne pouvez me remettre maintenant. » Je lui en ai donné des appointements : je lui ai si bien fait honte devant tout le monde qu’il ne pouvait plus trouver la porte. « Je ne suis pas riche, j’ai besoin d’argent ! » Comme si moi-même je n’en avais pas besoin ! Je suis donc bien riche, moi, pour lui jeter cinquante roubles d’un coup ! Donne-moi un cigare, pays.

— Les cigares sont là, dans la petite boîte, répondit Oblomoff en montrant une étagère. Il rêvait accroupi dans son fauteuil ; sa pose était gracieusement indolente ; il ne remarquait point ce qui se faisait autour de lui, et n’écoutait pas ce qui se disait. Il contemplait et lissait avec amour ses petites mains blanches.

— Eh ! mais ce sont toujours les mêmes ! fit observer Taranntieff avec arrogance, en prenant un cigare et en regardant Oblomoff.