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OBLOMOFF.

et l’aiderait à s’endormir ? Quelquefois le prolétaire est expédié à la ville voisine pour des emplettes ; il se rend utile dans le ménage. Sans lui ne faudrait-il pas courir soi-même partout !

Taranntieff faisait beaucoup de bruit, et tirait Oblomoff de l’immobilité et de l’ennui. Il criait, disputait et devenait une sorte de spectacle, épargnant au paresseux barine l’obligation de parler et d’agir lui-même. Dans la chambre où régnaient le sommeil et le repos, Taranntieff apportait la vie, le mouvement et quelquefois des nouvelles du dehors.

Oblomoff pouvait, sans remuer un doigt, écouter, regarder quelque chose de vif qui remuait et parlait en sa présence. En outre, il avait encore la simplicité de croire que Taranntieff était en effet capable de lui donner un bon conseil.

Oblomoff subissait les visites d’Alexéeff pour un autre motif non moins grave. S’il voulait vivre à sa guise, c’est-à-dire rester couché, dormir ou se promener dans la chambre, Alexéeff, lui aussi, savait s’effacer : il se taisait, sommeillait, ou feuilletait un livre, ou regardait paresseusement çà et là, en bâillant jusqu’aux larmes, les tableaux et les chinoiseries. Il était de force à rester ainsi trois jours entiers.

Mais si Oblomoff finissait par s’ennuyer d’être seul, s’il sentait le besoin de s’épancher, de parler, de lire, de raisonner, de s’émouvoir, il avait là un