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OBLOMOFF.

gardent, et tout à coup vous attrapent aux cheveux, sans que vous sachiez pourquoi.

— N’importe ! dit Zakhare, sans accorder de nouveau aucune attention au laquais qui l’avait interrompu. Son pied n’est pas encore guéri ; il le frotte toujours avec un onguent. Grand bien lui fasse !

— C’est un drôle de corps ! dit le portier.

— Que Dieu vous en préserve ! continua Zakhare, il tuera un jour un homme ; devant Dieu, il le tuera jusqu’à ce que mort s’en suive ! Pour la moindre bagatelle, il vous guette afin de vous traiter de chauve… je n’ai pas le courage d’achever. Aujourd’hui il a trouvé quelque chose de nouveau. « Venimeux » qu’il a dit ! Comment sa langue a-t-elle pu prononcer ce mot ?

— Ah ben ! qu’est-ce que cela ? disait toujours le même laquais. S’il dit des sottises, Dieu soit loué ! Dieu le garde !… Mais s’il se tait toujours, tu passes à côté, et il te regarde, te regarde, et puis t’accroche comme celui chez qui j’étais auparavant. S’il dit des sottises, ce n’est rien…

— Et c’était bien fait, riposta Zakhare, vexé des répliques qu’il n’avait point demandées. Je t’aurais encore mieux arrangé, toi !

— Chauve… quoi ? qu’il a dit, monsieur Zakhare ? demanda un petit cosaque[1] d’une quinzaine d’années, est-ce diable ?

  1. Jeune groom habillé en cosaque.