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OBLOMOFF.

les manières du barine[1], faisaient songer à ses ancêtres, les caprices mêmes du maître, dont Zakhare grognait tout bas et tout haut, mais qu’au fond il respectait comme la manifestation de la volonté, du droit du seigneur, étaient tout ce qui restait pour Zakhare de la grandeur passée. Sans ces caprices, il ne sentait pas le maître au-dessus de lui ; sans eux rien ne ressuscitait sa jeunesse, le village qu’ils avaient depuis longtemps quitté ensemble, et les traditions, seule chronique que gardaient sur cette antique maison les vieux serviteurs, les bonnes, les nourrices, et qu’ils se transmettaient de génération en génération.

La famille des Oblomoff avait jadis été riche et renommée dans le pays, mais ensuite, Dieu sait comment, elle s’était appauvrie, abaissée et insensiblement perdue parmi les maisons d’une noblesse moins ancienne. Seuls, les domestiques qui avaient blanchi à son service se passaient les uns aux autres la mémoire fidèle du temps qui n’était plus, et la chérissaient comme une relique.

Voilà pourquoi Zakhare aimait tant son vieil habit gris. Il se peut qu’il chérît aussi tendrement ses favoris, parce qu’il avait vu dans son enfance beaucoup d’anciens serviteurs avec ce vieil aristocratique ornement.

  1. Seigneur, gentilhomme, maître.