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OBLOMOFF.

— Ce que c’est que la vie de l’homme ! s’écria sentencieusement M. Élie père : l’un meurt, l’autre naît ; le troisième se marie, et nous autres vieillissons toujours : loin que les années se ressemblent, un jour ne ressemble même pas à l’autre. Et pourquoi cela ? ne serait-ce pas plus beau si chaque jour était comme hier, et hier comme demain !… Cela vous attriste, rien que d’y penser…

— Le vieux vieillit, le jeune grandit ! murmure dans un coin une voix endormie.

— Il faut en prier davantage le bon Dieu et n’avoir pas d’autre pensée, dit gravement la maîtresse de la maison.

— C’est vrai, c’est vrai, répondit en bredouillant et d’un ton craintif M. Élie père, qui avait voulu philosopher un peu ; et il recommença sa promenade de long en large.

On se taisait de nouveau, et on n’entendait que le bruit du fil et des aiguilles qui allaient et venaient. Quelquefois la maîtresse de la maison rompait le silence.

— Oui, il fait sombre dehors, disait-elle. Mais s’il plaît à Dieu, lorsque nous serons entre la Noël et le jour des Rois, nos parents viendront nous voir ; alors ce sera plus gai et les soirées passeront sans qu’on s’en aperçoive. Si Melania Petrovna était ici, elle nous aurait déjà fait cent niches ! Que n’imagine-t-elle