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OBLOMOFF.

Peut-être son intelligence enfantine avait depuis longtemps décidé que c’était ainsi et non d’une autre façon qu’il fallait vivre, comme vivaient autour de lui les grandes personnes. Et comment auriez-vous pu exiger de lui qu’il pensât autrement ? Comment vivait-on à Oblomofka ?

Se demandait-on à Oblomofka pourquoi la vie nous est donnée ? Dieu le sait ! Et comment répondait-on à cette question ? Probablement qu’on n’y répondait pas, tant cela paraissait simple et clair.

Jamais on n’avait entendu parler de cette vie qu’on dit pleine de labeurs, de ces gens qui portent dans leur sein des soucis rongeurs, qui vont dans un but quelconque d’un bout à l’autre de la terre, ou qui vouent leur existence à un travail incessant, éternel.

Les Oblomoftzi croyaient médiocrement aux troubles de l’âme ; ils ne considéraient pas la vie comme un mouvement perpétuel de désirs et de tendances vers quelque chose ; ils craignaient à l’égal de la peste l’emportement des passions. Ailleurs le feu de l’âme consume rapidement le corps ; à Oblomofka l’âme se noyait paisiblement, sans résistance dans un corps amolli.

La vie ne marquait pas les Oblomoftzi comme d’autres de rides précoces, ni de traces d’infirmités morales. Les bonnes gens ne la comprenaient pas autrement que comme l’idéal de la quiétude et de l’inaction, interrompu quelquefois par divers acci-