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OBLOMOFF.

devant ; mais on ne changeait pas de régime, on n’en mangeait pas moins, et on dormait comme auparavant sur la terre nue.

On rossait ou l’on chassait de la maison le chien qui avait hurlé, mais on n’en secouait pas moins dans la fente du plancher pourri, les étincelles des petits morceaux de bois qui servent de chandelles.

Aujourd’hui encore le mougik, au sein de la réalité sévère et peu poétique où il vit, aime à croire aux récits séduisants du bon vieux temps et de longtemps peut-être il ne renoncera à ces naïves croyances.

En écoutant les contes de la lionne sur l’Oiseau de feu, notre toison d’or, sur les obstacles et les oubliettes du château enchanté, tantôt l’enfant souffrait des échecs du chevalier, tantôt il s’enflammait, se figurant être le héros de l’héroïque aventure, et il sentait des frissons lui courir dans le dos.

Un récit suivait l’autre. La bonne contait d’une façon pittoresque, avec entrain, avec ardeur, quelquefois avec inspiration, parce qu’elle même croyait à moitié à ses histoires. Les regards de la vieille étincelaient ; sa tête branlait d’émotion ; sa voix montait jusqu’à des notes inaccoutumées. Saisi d’une terreur inconnue, l’enfant se serrait contre elle, les larmes aux yeux.

S’agissait-il des revenants qui se lèvent à minuit des tombeaux, ou des victimes qui languissent dans