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OBLOMOFF.

mençait à débiter des choses incohérentes, ou à crier d’une voix autre que la sienne, ou à se promener la nuit en dormant ; un autre, sans cause aucune, se mettait à faire des contorsions et à se rouler par terre.

Et justement avant cela une poule avait chanté comme un coq, un corbeau avait croassé au-dessus du toit. L’homme faible se perdait dans ce chaos, et, regardant autour de lui avec terreur, il cherchait dans l’imagination la clef des mystères de la nature et de sa propre existence.

Peut-être aussi que ce sommeil, ce calme éternel d’une vie nonchalante et l’absence de tout mouvement, de toute véritable éventualité d’aventures et de dangers pouvaient l’homme à créer au sein du monde réel un autre monde impossible, à laisser vaguer et se divertir son imagination oisive et à expliquer les circonstances habituelles de la vie par des causes tout à fait étrangères à la nature de ces phénomènes.

C’est à tâtons que vivaient nos pauvres aïeux ; ils ne mettaient pas de frein à la satisfaction de leurs désirs ; ensuite ils s’émerveillaient naïvement ou s’effrayaient du mal produit et en cherchaient l’explication dans les muets et obscurs hiéroglyphes de la nature.

La mort leur venait de ce qu’un défunt était sorti la tête et non les pieds devant ; l’incendie, de ce qu’un chien avait hurlé trois nuits sous les fenêtres. On prenait garde que le défunt passât la porte les pieds