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OBLOMOFF.

pied la charrue oisivement couchée sous l’auvent : c’est ainsi qu’il se prépare au travail accoutumé.

Là, les giboulées ne reviennent pas tout à coup, la neige n’y comble pas les champs et n’y brise pas les arbres. L’hiver, comme une belle inabordable, soutient son caractère jusqu’au moment légal de la chaleur : la froide saison ne vous fait point d’agaceries par des dégels inattendus, et ne vous tord pas ensuite comme une corne par des gelées inouïes ; tout y marche suivant l’ordre général et habituel de la nature. En novembre arrivent la neige et le froid, qui augmentent vers les Rois au point que le villageois mettant le pied dehors, rentre infailliblement la barbe blanche de givre ; en février, le nez subtil flaire déjà par les airs le doux souffle des brises printanières.

Mais l’été, l’été surtout est enivrant dans cette contrée. C’est là qu’il faut chercher l’air frais, sec, non pas embaumé par le citronnier ou le laurier, mais imprégné des senteurs de l’absinthe, du pin et du cerisier à grappes ; c’est là qu’il faut chercher des jours sereins et tièdes, que le soleil ne brûle point de ses feux, et que n’éclaire point, pendant près de trois mois, un ciel sans nuage.

Quand viennent les beaux jours, ils durent trois à quatre semaines ; la soirée est chaude et la nuit vaporeuse. Les étoiles clignotent aux cieux d’un air si affable, si amical !