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OBLOMOFF.

hasard m’avait entendu !… » pensait-il terrifié par cette idée. « Dieu merci ! Zakhare ne saurait redire à personne, et on ne le croirait pas. Dieu soit loué ! »

Il soupirait, il se maudissait, se retournait dans son lit, cherchait le coupable et ne pouvait le trouver. Ses oh ! ses ah ! et ses soupirs parvinrent même à l’oreille de Zakhare.

— Hé ! comme le kwas le gonfle là bas ! grognait Zakhare en colère.

« Pourquoi donc suis-je ainsi ? » se demanda Oblomoff presque en pleurant, et de nouveau il cacha sa tête sous la couverture. « Pourquoi ? »

Après avoir cherché inutilement la source du mal qui l’empêchait de vivre comme on doit le faire, comme vivent « les autres, » il soupira, ferma les yeux, et, au bout de quelques minutes, il sentit ses membres enchaînés peu à peu par l’assoupissement.

« Et moi aussi… j’aurais voulu… » disait-il, rouvrant les yeux avec peine, « faire quelque chose comme cela… La nature m’aurait-elle maltraité à ce point ?… Mais non, Dieu merci… je n’ai pas à me plaindre… »

Après quoi on put entendre un soupir de soulagement. Oblomoff venait de passer de l’agitation à son état ordinaire de quiétude et d’apathie.