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OBLOMOFF.

qui et des que ; un autre aurait déménagé, aurait achevé le plan, et serait allé a la campagne…

« Mais moi aussi, j’aurais pu faire tout cela… » pensa-t-il. « Est-ce que je ne sais pas écrire aussi ? il m’arrivait dans le temps d’écrire, non pas seulement des lettres, mais des choses plus difficiles ! Comment ai-je perdu ce pouvoir ? et qu’y a-t-il de si pénible à déménager ? Il suffit de vouloir !

« Un autre ne met jamais de khalate » — ce trait vint s’ajouter au caractère d’un autre, — un autre… ici il bâilla… « ne dort presque pas… un autre jouit de la vie, va partout, voit tout et se mêle à tout… Et moi ! moi… je ne suis pas un autre ! » dit-il avec un commencement de mélancolie et en se plongeant dans une profonde méditation. Il dégagea même sa tête de dessous la couverture.

Ce fut un de ces moments lucides dans sa vie où Oblomoff fut sincère avec lui-même. Quel effroi le saisit quand soudain dans son âme s’éleva l’image vive et nette du sort et de la destination de l’homme, et quand s’éclaira d’une rapide lumière le parallèle entre cette destination et sa propre existence ; quand se réveillèrent dans sa tête une à une diverses questions vitales qui partaient de côté et d’autre en désordre, effarouchées comme des oiseaux réveillés dans des ruines par un subit rayon de soleil !

Il se sentit triste et chagrin de son peu de dé-