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OBLOMOFF.

veau avec le sien. Dieu garde n’importe qui de s’en aviser jamais !

Zakhare regardait les connaissances d’Oblomoff un peu du haut de sa grandeur ; il les servait, leur présentait le thé, etc., avec une sorte de condescendance, comme s’il avait voulu leur faire sentir quel honneur c’était pour eux d’être reçus chez son maître. Il leur refusait la porte avec une certaine grossièreté. « Le barine repose, » disait-il en toisant le visiteur avec arrogance.

Quelquefois, au lieu de médire et de calomnier, il se mettait à glorifier outre mesure M. Élie chez l’épicier et aux conciliabules sur la porte, et alors son enthousiasme n’avait pas de bornes.

Il commençait tout à coup à énumérer les mérites du barine, son intelligence, son affabilité, sa générosité, sa bonté ; et, si le barine manquait de qualités pour l’achèvement du panégyrique, Zakhare en empruntait aux autres : il exagérait l’illustration de sa famille, sa richesse ou sa puissance extraordinaire.

Pour effrayer le portier, l’intendant, il s’armait toujours du nom de son barine. « Attends un peu, je le dirai au barine, » criait-il d’un ton menaçant, « tu en auras tantôt ! » Il ne soupçonnait point une autorité plus puissante sur la terre. Mais les relations extérieures d’Oblomoff avec Zakhare étaient toujours sur un pied d’hostilité.