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poésie, l’amour, le sentiment, la nature elle-même n’étaient pour eux que de vains mots. Ils regardaient le mariage comme une institution absurde, et n’admettaient que l’attraction brutale et matérielle entre les deux sexes.

« Cette doctrine n’est pas née en 1861 : elle couvait déjà depuis longtemps. L’oppression de la pensée qui avait caractérisé le règne de Nicolas, le despotisme de son administration, les écrits des comités secrets de Londres, les révélations étranges qui s’étaient faites après la guerre de Crimée, les rêves brisés des libéraux de 1825 et les théories des socialistes de 1840, — tout cela avait contribué à l’élaboration du nihilisme. »

La nouvelle théorie fit surtout des prosélytes parmi la jeunesse des universités, que séduisaient de préférence les tendances négatives de la littérature. Tourguéneff étudia cet état de la société dans Pères et Enfants et Fumée, deux romans dont le premier déchaîna une véritable tempête. On alla jusqu’à accuser l’auteur d’avoir écrit un pamphlet contre son pays.

Il s’était placé, en effet, au point de vue pessimiste et n’avait vu dans les jeunes progressistes que des fous, des sots et des Dons Quichottes. Peut-être s’exagéra-t-il la portée de ces théories trop monstrueuses pour être jamais prises au sérieux.