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gédia avec un baiser, sans nous avoir rien avouer.

« Le marquis devenait de plus en plus sombre ; plusieurs fois, nous l’entendîmes parler avec colère à ma mère. Que se passait-il donc ! c’est ce que nous apprîmes, hélas ! trop tôt.

« Un matin, je m’éveillai en entendant les sanglots de ma mère, qui partaient de l’appartement voisin de celui que j’occupais ; je me levai à la hâte, et m’élançai dans sa chambre.

Au Bal du Gouverneur.

« — Qu’avez-vous lui demandai-je ?

« Pour toute réponse, elle se jeta dans mes bras en s’écriant : Alice, Alice, ma pauvre Alice.

« Ma sœur s’appelait ainsi, et avait dix-huit ans.

« — Expliquez-vous, dis-je.

« — Alice, mon enfant, on me l’a enlevée !

« — Je ne comprends pas.

« — Robert, écoute-moi. Il faut que tu saches tout, je ne veux pas que tu sois malheureux comme ta sœur.

Ton père a perdu, il y a dix mois environ, les trois quarts de sa fortune et afin que les de Marville soutiennent le rang qu’ils ont toujours occupé dans le monde, il fait ton frère George son unique héritier, et il a décidé que ta sœur prendrait le voile, tandis que toi, tu entrerais dans un monastère.

« Cette nuit, Alice, à mon insu, a été menée au couvent, mais lequel ?

«  Ses sanglots redoublèrent.

« J’essayai de la consoler, en lui disant que j’irais à sa recherche, que je la retrouverais.

« — Tu ne connais pas ton père, me répondit-elle s’il savait que tu as voulu t’opposer à ses volontés, il te maudirait. Non, mon cher enfant, tu ne peux rien pour Alice ; mais il faut que tu partes. Je trouverai la force de me séparer de toi puisque ce sera pour ton bonheur. Le marquis est inexorable, depuis longtemps j’essaie de le fléchir, il me répète chaque fois qu’il