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prises les plus hardies, et fut élu chef de caravane. Or un chef de caravane est, en Arabie, un personnage considérable, car sa tâche est importante, difficile et délicate entre toutes. Il faut du coup d’œil, de la résolution, de l’audace pour guider, à travers des routes difficiles, d’immenses convois de plusieurs centaines de chameaux et de plusieurs milliers de personnes, régler les haltes, écarter les pillards, attirer les clients, protéger les pèlerins, traiter avec les marchands. Mahomet fut toujours à la hauteur de sa lourde tâche, et sut déployer, suivant les cas, les talents d’un administrateur, d’un diplomate ou d’un capitaine. Sa belle intelligence s’imprégna, au contact des peuples divers qui passèrent sous son regard observateur, d’impressions, d’idées, de sentiments, qui, entrant pêle-mêle, se logèrent au hasard dans sa tête de visionnaire. Curieux comme il l’était des choses religieuses, il ne manquait jamais de s’entretenir avec les plus considérables de la caravane, et d’interroger les représentants des différentes religions des pays qu’il traversait, moines chrétiens, rabbins juifs et mages persans.


le Visionnaire.


À vingt-quatre ans Mahomet est déjà une célébrité. Il connaît à fond son pays. Il a vu l’étranger. La grandeur de la civilisation chrétienne, qu’il a entrevue à Bostra, le trouble ; le spectacle de la Mecque l’humilie ; la vue des misères sans nombre que font peser sur sa race les guerres intestines et la domination étrangère l’irrite. L’idée d’une révolution sociale et religieuse hante son esprit ; il rêve pour son pays un avenir meilleur ; il pressent, il devine