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mica de la charge grave, il appelle et assemble en consultation quatre docteurs de la Faculté de médecine, et leur soumet du plus grand sérieux la question : Peut-on mourir d’ennui ? Les quatre docteurs, croyant qu’il s’agissait d’un cas de famille, et sachant, dans les Brancas, un certain nombre d’hypocondres, de vaporeux, de mélancoliques, opinent tous pour l’affirmative, motivent leur jugement avec tout le latin de Molière et le leur, et signent, de la meilleure foi du monde, la consultation, où ils déclarent que le seul remède était de dissiper le malade, et par-dessus tout de lui ôter de dessous les yeux l’objet de cet état d’inertie et de stagnation.

La pièce en bonne forme, M. de Lauraguais va, sans rire, la déposer chez un commissaire, et, sans rire, porte plainte contre le prince d’Hénin qui, par ses obsessions continuelles auprès de Mme Arnould, ne tend à rien moins qu’à faire périr d’ennui cette actrice, les amours du public et aussi un peu les siens. Il y requiert donc qu’il soit enjoint audit prince de s’abstenir de toute visite chez Sophie, jusqu’à ce qu’elle soit parfaitement rétablie de la maladie d’ennui qui la travaille, et qui la tuerait, suivant la solennelle décision de la Faculté[1].

  1. Mémoires secrets de la République des lettres, vol. II.