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bruit et ce bourdonnement des sens qui assourdit rame. Il renouvela chez Sophie la tendresse. Il lui sauva ce fonds et ce coin caché de sensibilité, d’attachement, de dévouement : dernière vertu des courtisanes qui les rattache peut-être à la famille humaine. Qu’avait Bélanger pour agir ainsi sur Sophie ? Sa gaîté, sa jeunesse, et encore la jeunesse de sa gaîté, — heureux homme ! — La bonne enfance d’un esprit d’artiste, naïve, réjouie, s’amusant de tout, entrant comme un rayon de soleil dans les tristesses et les noires pensées de son prochain ; un franc rire de nature, sans effort, sans coup de fouet, sans fatigue, qui s’éveillait avec son maître et lui faisait compagnie toute la journée ; des gaîtés fortuites, des drôleries nouvelles, des farces à étourdir ces lendemains d’une comédienne, si vides et si ternes — l’humeur et l’esprit de l’atelier !

Voici une de ses imaginations pour égayer la fête de sa maîtresse, le jour de la fête de la Madeleine : « Sa fête se faisait cependant toujours le jour de la Madeleine. Je me rappelle lui avoir adressé des vers, sous ce nom, à une de ces fêtes. Bélanger fit venir un escamoteur qui se vanta d’escamoter le buste en marbre de Sophie. En effet, il détourna un moment l’attention, et le buste se trouva, à un moment, remplacé par un grand priape à deux pattes, et ailé,