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-ture et la surprise du moment. Il l’arrêta dans ce tourbillon de vie, dans ce flux et reflux d’intrigues mercenaires ou vaniteuses, dans ce


    et ce n’est pas sans miracle qu’on est parvenu à en sauver quelques-uns. L’attrayante ceinture de Vénus est brûlée, les grâces modernes iront sans voile, ce qui ne leur sera pas aussi avantageux qu’aux anciennes : le bonnet de Mercure, son caducée, ses ailes sont consumées, on a heureusement sauvé sa bourse. Depuis longtemps l’amour n'a rien à perdre, si ce n’est quelques flèches dont il ne faisait plus usage et qu’on n’a retrouvées qu’avec peine, tant le feu les avait rendues méconnaissables : mais pour le dédommager de cette perle, on assure que Mercure a résolu de partager dorénavant avec lui la bourse qui lui vaut aujourd’hui tant de bonnes fortunes. Quant à la froide et triste Pallas, son armure, son casque, le superbe panache, qui l’ombrageait, ont été réduits en cendres. Le bruit a couru pendant quelques jours que son égide avait été entièrement fondue : malheureusement on Va retrouvée intacte, et elle continue d’agir sur les gens en place, les financiers et les impudents parvenus. Les flammes étaient si dévorantes, si actives, quelles ont calciné les différentes choses qu’on leur à enlevées. La lyre d’Apollon n'a pas été raccordée depuis, et ses lauriers sont tellement desséchés qu’on craint bien de ne les voir repousser de longtemps. Il n’est plus question du magnifique jardin d’Alcindor, ni du palais du Roi d’ Ormus ; Armide, Didon ont sauvé les leurs, bien heureusement, tout le monde en est enchanté à cause du charme qu’ils inspirent. Mais le char du Soleil et delà Nature, qui se tenait si gracieusement en l’air dans le très naturel prologue de Tarare, n’a pas été épargné, non plus que la quantité de linons qui drapaient de bonnes grosses ombres très palpables, et je n’ajouterais pas très palpées : à quoi sert de médire ? Je ne finirais pas, ma chère amie, si je vous contais nos pertes. On dit qu’avec de l’argent on répare tout… Ah ! je le crois. »

    Mais la lettre me semble diantrement apocryphe, et je crois plus à la vérité de ce mot original, dit par la spirituelle femme à une grande dame effarée lui demandant, quelques heures après la terrible catastrophe, de lui raconter ce qui s’était passé à cette terrible incendie : « Madame, répondit-elle, tout ce que je puis vous dire, c’est qu’incendie est du masculin. »