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cénacle de la chanson, au milieu de Vadé, de Grébillon fils, de Barré, de Coqueley de Chaussepierre, il n’y a qu’une femme d’admise, il n’y a que Sophie Arnould, qui est bientôt l’idole de la société, de la société ayant dérogé, pour la jolie et intelligente chanteuse de couplets et petits vers, à la règle que s’étaient faite toutes les sociétés chansonnières d’exclure les femmes[1].

Donc elle vit dans le tapage de la gloire, partageant le public, les oreilles, les yeux et les cœurs. Et la curiosité de l’étranger vient vers elle comme en dépulation. Et elle a une cour, un petit coucher de son esprit, de sa jeunesse, de sa grâce. Et elle fait à ses caprices verser l’or des deux mains, et elle marche dans les adulations de sa vie, l’orgueil las de couronnes.

Elle ordonne enfin de la vogue et du goût, et voulant bien descendre à l’amitié d’illustres dames de la cour, si elle vient d’envoyer à une Mme d’Hunolstein, qui s’est engouée d’elle, un chapeau à l’Iphigénie : « Qu’est-ce qui marche aujourd’hui ? » dit-elle, partageant son interrogation entre le prince d’Hénin et son coiffeur[2].

L’amour même allait l’abandonner à la fortune. Ce furent les jambes d’une nouvelle dan-

  1. Œuvres choisies de Laujon. Paris, Léopold Collin, 1811
  2. Correspondance secrète, vol. I.