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sortir du berceau. Écoutez-la : Ensuite est venu le temps de l’éducation qui a commencé, aussi tôt que j’ai pu parler, car je n’ai nulle souvenance d’avoir appris à lire et très-peu à écrire, d’autant qu’à l’âge de quatre ans ou un peu plus, je lisais, et qu’à sept j’écrivais mieux que je ne le fais actuellement. À deux ans et demi, j’ai commencé à apprendre la musique, et je la déchiffrais à livre ouvert à sept ou huit. L’enfant prodige fut gâté, caressé, pomponné. Elle eut sur sa petite personne des vêtements de soie, des colliers de marcassite, des fleurs dans les cheveux. Mais quoi ? ne fallait-il point une fille ainsi accommodée à une bourgeoise qui avait l’honneur d’avoir demi-heure à sa porte le carrosse et les grands laquais dorés d’une vieille connaissance : Monseigneur le cardinal de Bernis !

Quand la bambine eut quatre ou cinq ans, Mme la princesse de Modène, femme séparée de M. le prince de Conti, s’en amouracha. Mme de Conti était désœuvrée, ennuyée : elle demanda la petite Sophie à sa mère ; et la petite Sophie devint l’amusement et le joujou de cette grande dame sans mari, sans amants, sans enfants, sans emploi. Mme de Conti la trimbalant partout avec elle, comme elle aurait fait de son petit chien, traitait l’enfant ainsi qu’un petit animal de compagnie, gentil et drôle, bruyant et riant, une machine au gai tapage, qui empêchait de compter