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le choc des mots et des idées, le bruit des grands hommes. Elle voyait les académiciens des trois académies. Elle courait les philosophes. Voltaire était de ses amis. Fontenelle lui apportait, quelques jours avant de mourir, le manuscrit d’une tragédie de Corneille. Diderot et d’Alembert s’asseyaient à sa table ; et le mari couché, ses comptes faits, — M. Arnould s’endormait de bonne heure, — c’était entre la mère de Sophie Arnould et les Encelades de {’Encyclopédie les plus belles querelles de la terre sur Dieu et le monde.

Sophie était revenue de nourrice, et l’éducation de la petite fille[1] commençait presque au

    ciétés la femme la plus aimable et la plus intéressante. Le hasard l’avait fait admettre dans la société des gens les plus célèbres, comme les plus illustres, où elle a passé les quinze premières années de sa vie, et elle avait su se conserver par son amabilité, par son bon ton, des protecteurs et des amis. Ces derniers étaient Fontenelle, Piron, le comte de Caylus, l’ami des arts, des talents et des lettres, le charmant Moncrif, l’abbé de Bernis ; et tous ces personnages illustres étaient ses familiers, ses amis intimes.

  1. L’enfance de Sophie grandit au milieu de plusieurs sœurs et près d’un frère, mobile, ardent, changeant, allant de carrière en carrière, et passant de la plume à lépée, de l’épée au petit collet, et du petit collet au pinceau. — Les Archives nationales possèdent un acte notarié par lequel Sophie Arnould s’engage à payer annuellement 300 livres de rente à Mlle Anne-Marie Collard, fille de sa sœur Rosalie Arnould, mariée à Pierre Collard, marchand traiteur à Paris, la Rosalie qui entra dans la musique de la chambre du roi en 1770 et y resta jusqu’en 1792. — Sa seconde sœur, d’après une note de l’Arnoldiana, annoté par Millin, épousa Seguin, apothicaire, dont l’officine est devenue célèbre par la vente du vin de quinquina.