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envier. Pourtant, au logis, c’est le pot au lait de Perrette : atteindre les trente mille livres de rente, laisser le commerce, acheter une charge de trésorier de France, ou se faire admettre à l’échevinage de Paris ; attraper la noblesse, c’était le rêve caressé et poursuivi de la compagne du bonhomme. — « Bah ! répliquait le bourgeois à sa femme, nous avons des parents dans le commerce, dans l’agriculture ; mon nouvel emploi nous anoblira, je le veux ; anoblira-t-il nos deux familles ? » et pensant aux bonnes fêtes du foyer, il ajoutait : « Adieu pour toujours, dès ce moment, aux visites du jour de l’an et aux quatre repas des fêtes annuelles ».

Mme Arnould n’avait point cette sagesse. Née dans cette jolie petite ville de Blois, où Catherine de Médicis a laissé comme une odeur de cour, comme un air de Paris, Mme Arnould, à peine Parisienne, s’était lancée dans le grand monde. De son pays, un petit ton provincial lui était resté, mais son esprit avait de l’oreille ; elle se tut, écouta, travailla, et sortit de cette retraite une parfaitement aimable femme, parlant beaucoup, et bien, et agréablement, digne de la causerie de tous[1]. Elle aimait les sociétés,

  1. Vous l’avez connue assez, écrit Sophie, pour n’avoir pas besoin de vous rappeler les charmes de son esprit, de sa figure, de ses manières nobles. Elle avait reçu une fort bonne éducation qui, jointe à de l’esprit naturel, la rendait dans les so--