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aient gardé la mémoire comme le parfum du Plaisir ? Combien, dont le baiser ait laissé autant de bruit que la Gloire ? Combien sont-elles, qui aient été les favorites d’un siècle de Périclès, de Léon X ou de Louis XIV, et qui s’appellent Aspasie, Impéria ou Ninon ?

Ces femmes, ces médailles de la Grâce, méritent l’étude. Elles font revivre leur patrie et leur temps. Elles avouent l’humanité tout entière d’Athènes, de Rome ou de Paris. Elles sont l’aimable et la franche confession des mœurs et des idées. Elles apportent avec leurs biographies la vie intime et déshabillée de la génération qu’elles enivrent.

Voici lune, la dernière venue, la dernière peut-être, la sœur cadette de Ninon, la seule courtisane de l’âge d’or des filles : Sophie Arnould.



II


Voulez-vous donc, mon bon et estimable ami, que je vous retrace, par écrit, l’histoire très extraordinaire de ma vie ; — vous qui m’avez connue, je puis le dire avec vérité, avant l’aurore de mes plus beaux jours, puisqu’à peine atteignais-je alors ma quatorzième année, — vous qui avez vu la très-innocente, la très-ignorante