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gens qu’on estime. « Et prenant son chapeau, le compositeur partait, disant à Mlle Arnould : « Du moment que vous n’êtes pas maîtresse chez vous, je vous quitte et je ne reviens plus. »

Gluck ne revenait plus. Il faisait mieux : il prenait logement chez Rosalie Levasseur, donnait journellement des leçons à la rivale de Sophie Arnould, et comblant les vœux du puissant amant et du très soumis esclave Mercy-Argenteau, il donnait à la maîtresse de l’ambassadeur de l'Impératrice-Reine le rôle d’Alceste[1], qui appartenait à Sophie Arnould par droit d’ancienneté. Sophie s’en vengeait par une épigramme, disant lorsqu’on applaudissait Rosalie : « Ce n’est pas étonnant, elle a la voix du peuple ! » Rosalie répondait par une satire dégoûtante, jetée dans la salle :

Vieille serinette cassée,
Cadavre infect, doyenne des put……
O toi, dont la gueule édentée
Vomit à grands flots les venins
De ta langue pestiférée,
Oses-tu bien, dans ton b…… d’esprit,
Où préside avec toi cet avocat proscrit (Linguet)
Par la justice et par sa compagnie)
Déchirer ce grand homme, ami de Polymnie,
Qui nous peignit Orphée, Alceste, Iphigénie,
Que tout l’univers applaudit.
De la fable, serpent maudit,

  1. La première représentation d’Alceste avait lieu le 23 avril 1776.