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ai vus de fois, la forme de chacun, et le dessin des bouquets de feuilles, et celui qui a sur son petit tronc une ligature de soie bleue pour une bouture, je pense.--Je sais tout de cette allée, et le banc au bout usé et noirci par la pluie, et la tonnelle auprès des deux cornouillers de l'entrée. Rien n'est monté après cette tonnelle, et elle est là, tendant l'épaule, pour que quelque chose y grimpe.--Un peu de distraction me vient quelquefois du gros poirier de rousselet, où des frelons, grands comme la moitié du doigt, ont installé leur nid, faisant des envolées furieuses. Dans la bande d'herbe, de l'autre côté, je vais voir le réservoir. Entre les pierres de revêtement poussent de petits saules. Quand il fait beau, deux petits poissons viennent jouer à la surface de l'eau.--Je ne puis dire combien cette allée m'irrite et m'ennuie. Elle est inexorable comme une ligne droite.--Par hasard, j'ouvre la porte. Je vais une demi-heure, une heure dans la campagne. Un pays plat à perte de vue, des champs coupés à la règle. Des paysans passent sur des voitures de foin, dormant les yeux ouverts. Puis le cri des roues dans les essieux diminue et finit.