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peu à peu de lui, comme les rats d'une maison qui craque, lui laissant tous ses loisirs. Bénédict fit de sérieuses études d'harmonie; et dix romances dans un carton, il se rendit chez Leduc. L'éditeur trouva la musique charmante; mais, toute charmante qu'il déclarât la trouver, il répondit à Bénédict que cette musique «ne rentrait pas dans son cadre».

Bénédict apprit dans la journée qu'il venait de perdre ses quinze derniers mille francs dans une faillite.--Il est vrai qu'il vendit le même jour cinq francs une de ses romances à un de ses amis. L'ami l'exécuta le soir chez un oncle de Bénédict, et il eut le plus grand succès.

Il ne jugea pas utile de dire qu'il l'avait achetée à Bénédict. Il déclara même que ce pauvre Bénédict n'avait pas le sentiment musical, qu'il ne ferait rien de bon de sa vie. Du salon de l'oncle de Bénédict la romance passa dans un salon, puis dans un autre; en sorte que l'ami de Bénédict fut obligé d'acheter une seconde, une troisième, une quatrième romance, pour se continuer en son talent; et l'ami de Bénédict fut pendant l'hiver de l'année 1847