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rement de Watteau, les architectures des palais, des ruelles et des ponts, les rayons du soleil, les couchants empourprés, les bleuissements de lune, le vol blanc des pigeons de Saint-Marc, la beauté des femmes d’autrefois, — dans les oreilles, la musique des baisers et les soupirs des violes, — sur les lèvres, le goût des vins et des pastilles, — dans l’imagination, le tremblotement des lignes, la précision du détail obsédant, l’allure de la pensée en état de rêve. Des ironies qui ricanent courent après des sentimentalités bien costumées. On rebondit des chaises de paille du Conseil des Trois dans l’île de verre où pousse une végétation de lustres et de coupes. Puis, après la poésie de Venise morte, c’est la flânerie des rues vivantes de Paris, une affiche lue, un air d’orgue entendu, un peintre rencontré, une pension de petites filles observée, — c’est la silhouette du voyou dressé les pieds dans le ruisseau, — c’est la couleur de l’air, c’est le son d’une voix. Et voici l’Anatole de Manette Salomon, et le voyage en Italie qui sera recommencé et contrôlé pour écrire Madame Gervaisais, et la vision de la femme du monde qui sera l’adultère Mme Maréchal ou l’adultère Mme Bourjot de Renée Mauperin. Et voici le pessimisme des Idées et sensations. Et voici peut-être çà et là des