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POÉSIES EN PROSE.

nasillard, qu’un derbouka, sempiternellement frappé, accompagne.

Des spirales montent des pipes, les chanteurs nasillent, et les Arabes sans mouvement dorment en leurs pensées.

Vous reconnaissez ? C’est le café de la Girafe à Alger.


Passé Saint-Cloud, on trouve, en remontant la Seine vers Paris, un cabaret propret et endimanché. Il attend les voyageurs au bord de la rivière, sa porte grande ouverte. Tous les printemps on le rebadigeonne à neuf. Et printemps comme été, ce sont des bruits de verres. Le coteau de Sèvres avec ses villas aux fumées bleues s’élève derrière lui. Le Bas-Meudon, les îles aux joyeuses saulaies, — toute cette idylle qui trempe ses pieds dans l’eau, — est à ses pieds, à deux minutes.

Du cabaret aux saules, des saules au cabaret, c’est un va-et-vient de jeunes hommes et de jeunes femmes : une chaîne de joyeux deux à deux. Ils montent, ils descendent la berge, du matin au soir, et lui est là, souriant et hospitalier, hélant les canotiers de la basse Seine. Il y a des régates près du pont là-bas. Entrez et entrons ! A la santé de la Marie Michon ! — Les échos y disent des chansons, les murs y chantent des gaietés. — Voyez les deux rangées de tables aux nappes blanches, aux verres provocateurs, aux menus cartonnés, s’il vous plaît, à cheval sur deux