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OUTAMARO

de la façon la plus drolatique, en s’accompagnant frénétiquement du schamisen.

Enfin, c’est la vie de ces femmes dans les jardins.

Et c’est une femme montrant à une autre le tatouage d’amour de son bras, portant le nom de son amant de cœur, quelquefois son initiale, son armoirie.

Et c’est encore la toilette de la femme de ces maisons, se coiffant, se maquillant, se noircissant les dents.

Mais nous voici descendus tout en bas de la

    longues épingles en écaille jaune. Elles étaient dans la première jeunesse, la plus âgée comptait vingt ans à peine, les plus jeunes n’avaient guère plus de quatorze ans. Quelques-unes se faisaient remarquer par leur beauté, mais toutes avaient un air résigné, fatigué, indifférent surtout, qui s’accordait mal avec leurs jeunes visages, et qui faisait peine à voir. Exposées comme le sont les bêtes curieuses dans une ménagerie, examinées et critiquées à loisir par chaque curieux, pour être vendues ou louées au premier offrant, ces malheureuses présentaient un spectacle qui me causa l’impression la plus pénible. Une vieille femme parut à l’entrée de la salle et prononça quelques mots ; l’une des jeunes filles se leva aussitôt, mais avec la lenteur d’un automate. Il y avait, dans cette manière de se mouvoir, quelque chose d’inconscient comme chez les animaux dressés, qui exécutent, sur l’ordre de leur maître, certaines manœuvres dont ils ont l’habitude. »