Page:Goncourt - Madame Gervaisais, 1869.djvu/54

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

palais, ces murailles d’ornement où montent les floraisons éclatantes, violettes, blanches, jaunes d’or, qui ne sont plus que des treilles de fleurs sans feuilles, ces fontaines sur lesquelles se penche un fleuve fruste, envahi d’enfants à demi rongés par le temps, ces eaux courantes, ces eaux sommeillantes, ces îles de deux arbres au milieu de ces petits lacs aux bords de citronniers ; tout un paysage d’une telle illusion de ravissement que c’était pour madame Gervaisais un paysage d’imagination, un endroit d’idéal qu’elle aurait déjà vu dans un poëme. Elle se crut dans un chant du Tasse, et le souvenir lui revint des jardins d’Armide.

Elle s’accouda à la terrasse. L’air de la journée à la fois chaude et ventilée, cet air romain caressant la peau du flottement et du chatouillement d’une étoffe soyeuse, ce souffle subtil, vif, léger, si agissant sur la fibre des mélancolies septentrionales ; autour d’elle, cette apparence de bonheur que tout semblait à avoir là, ce qui se levait partout de joie, de paix splendide, l’uni-