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les officiers et le directeur restaient jusqu’à l’aube à voir danser les bohémiennes. Dans ces nuits, Tommaso Bescapé, qui avait été d’une nature amoureuse toute sa vie, en dépit de ses cinquante ans sonnés, se prenait pour une jeune bohémienne d’une passion telle qu’en inspirent ces danseuses de grâce maudite. La danseuse éprouvait pour le directeur la répugnance d’une fillette pour un vieillard en même temps que l’antipathie d’une Rommy pour un Giorgio. Audotia Roudak, la mère de la danseuse, qui se trouvait être une entremetteuse, avait toutefois des préjugés à l’endroit de son sang, et ne consentait à lui vendre sa fille — et encore pour une somme où passaient tout l’argent conquis dans la vente des tapis et le gain de sa première année à Symphéropol, — à lui vendre qu’en légitime mariage. Et c’était chez le vieux mari pour cette jeune femme qui l’avait épousé avec une horreur non cachée, et dont les froideurs duraient tout le temps de leur