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passant et repassant devant la femme, qu’ils effleuraient presque de leurs sabots.

Et immobile, et aspirant de distraites bouffées de tabac, en ce manège qu’on croyait à tous et qui était sien, à la vue de ces chevaux qu’elle ne montait jamais en public et qu’on promenait pendant le sommeil de Paris, au milieu de cette fête qu’elle se donnait à elle toute seule, la Tompkins savourait la jouissance royalement égoïste, le plaisir solitaire de la possession secrète de belles et uniques choses inconnues à tout le monde.

Les chevaux passaient du pas au trot, du trot au galop, les palefreniers les faisant caracoler, et faisant jouer les reflets luisants de leurs corps, les satinements de leurs croupes, les rubis et les émeraudes de leurs harnachements, parmi les arabesques des cachemires, les lueurs du feu d’artifice, les irisations de l’imperceptible pluie colorée. La femme appelait de temps en temps à elle, l’ Érèbe ou la Neige, et sans bouger, soulevant