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passer et repasser le blanc de ses semelles, qui devenait à la fin un éblouissement. Et lorsque Gianni et le public cherchaient à le retrouver, il était tranquillement assis au cintre, où il avait grimpé au travers des spectateurs avec une agilité incroyable, assis dans une immobilité moqueuse.

Gianni se remettait à poursuivre le lutin. Alors recommençait dans l’air la course de tout à l’heure sur la terre. Un système de trapèzes allant et revenant des deux côtés d’un bout à l’autre du Cirque, relié dans les tournants par des cordes pendantes et lâches, avait été mis en branle. Le lutin, lâchant le premier trapèze, s’élançait dans le vide, y projetant le déroulement lent, paresseux, heureux de son corps de ténèbres, où les lumières nocturnes des lustres sous lesquels il passait, faisaient courir un instant des tons de soufre et de pourpre calcinée, et son évolution aérienne terminée, il atteignait le second trapèze, avec ce joli mouvement d’ascension volante des