Page:Goncourt - Les Frères Zemganno, 1879.djvu/12

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

balast encombrées de claies de fer à trier le sablon et de tombereaux aux roues cassées. Cette route, à laquelle aboutissaient les trois autres, menait par un pont, sonore sous les voitures, à une petite ville bâtie en amphithéâtre sur des rochers, et isolée par une grande rivière dont un détour, coulant à travers des plantages, baignait l’extrémité d’un pré touchant au carrefour.

Des oiseaux traversaient à tire d’ailes le ciel encore ensoleillé, en poussant de petits cris, de petits bonsoirs aigus. Du froid descendait dans les ombres des arbres et du violet dans les ornières des chemins. On n’entendait plus que de loin en loin la plainte d’un essieu fatigué. Un grand silence montait des champs vides et désertés de la vie humaine jusqu’au lendemain. L’eau même de la rivière, dont les rides ne s’apercevaient qu’autour d’une branche qui trempait, semblait perdre son activité fluide, et le courant paraissait couler en se reposant.