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accrochés au mur, trois ou quatre croquetons remarquables.

Il me montre ensuite un certain nombre de petits albums explicatifs de son talent, où, en deux ou trois coups de mine de plomb, qu’on pourrait appeler des instantanés du crayon, il surprend une attitude, un mouvement, un geste, — et rien que cela de l’homme ou de la femme, qui lui sert de modèle.

Et Forain me cause de son labeur, de sa peine à trouver la chose : oui, à la fois un dessin et une légende qui le satisfassent. Il parle des vingt, trente, quarante croquis, qu’il est obligé parfois de faire, pour arriver à l’image voulue.

Et parlant du dessin, qu’il a publié ce matin, dans l’Écho de Paris, il me dit qu’il avait voulu exprimer, à propos de l’adultère, l’espèce de remords qu’une femme de la société éprouve devant le dégoût inspiré, dans une chambre d’hôtel, par la serviette posée sur le pot à l’eau, pour le bidet… Et en effet, il me montre un dessin, où la femme est douloureusement hypnotisée par ce pot à l’eau ; mais il n’avait pas trouvé la légende philosophique, montant de ce pot à l’eau. Alors il s’est mis à chercher une seconde traduction de sa pensée, qui avait raté. Enfin toujours, pour rendre cette chienne de pensée, il avait mis au bas du dessin : Nous avons eu tort d’ôter nos bottines… y a pas de tire-boutons : traduction dernière de sa pensée, qu’il avouait trouver tout à fait inférieure.

Et là, il ajoute avec un éclair de l’œil féroce,