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Mercredi 6 mars. — Georges Lecomte vient me chercher, pour le mariage d’Ajalbert avec la petite Dora. En chemin, dans le landau de la noce, il m’annonce son mariage, à lui. Il s’agit d’une jeune fille qu’il a aimée, jeune homme, qui est devenue veuve, et pour laquelle son tendre sentiment a persisté. Et il est dans le bonheur d’épouser une femme, qui ne le forcera pas à mettre, tous les soirs, son habit noir, pour aller dans le monde, et lui permettra de travailler : ce qui est au fond, ce qu’il aime le mieux dans l’existence.

Et nous voilà chez les Ménard-Dorian, où s’organise le cortège, et bientôt à la mairie, où a lieu le mariage, célébré par l’aphone Marmottan, et où je me trouve à la place, que j’avais au mariage de Léon Daudet et de Jeanne Hugo.

De retour, presque aussitôt un dîner de quarante-huit couverts, disposé d’une manière charmante, dans deux pièces, où deux grandes tables, fleuries de fleurs d’amandiers, forment un T, et où la table des vieux, a pour tête la table des jeunes, au milieu de laquelle apparaît la mariée, toute jolie avec son clair visage et son rire sonore, — tout le dîner, égayé, animé, fouetté, par des violons tsiganes faisant rage, et dont les chabraques rouges promènent leurs musiques nerveuses derrière le dos des convives. Et un dîner très amusant, très cosmopolite, très parlant à la curiosité de l’estomac : un potage bulgare aux olives, dont Mme Ménard-Dorian a rapporté la recette de ses voyages, des boudins blancs de brochets,