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s’appliquant, que dans les actes qui parlent à son talent, et dans les autres qui ne lui plaisent pas, mangeant du raisin, ou se livrant à des distractions quelconques. Dans une pièce, où l’actrice avait à dire d’une fille, qui s’était mal conduite, qu’elle n’avait plus de fille, il la voyait soudain, sans souci du public, faire un signe de croix à sa ceinture, et envoyer un baiser à la cantonade, — un baiser à sa vraie fille, qu’elle adore.

Daudet nous lit, ce soir, de son Bonnet. Je me suis trompé. Je croyais que son enthousiasme pour le livre, venait de son provençalisme, mais non : ce Bonnet est un lyrique en prose, et c’est la première fois qu’on a la poésie contenue dans le cerveau d’un paysan, mais d’un paysan, en un endroit de France, où le soleil ensoleille les cerveaux.

Jeudi 22 novembre. — Un intelligent, ce pauvre Magnard, mais un parfait sceptique, ne croyant à aucun sentiment. À Daudet qui lui soutenait, un jour, qu’il y avait de bonnes choses dans la vie, il lui jetait avec un sourire méphistophélique : « Oui, l’amitié… Goncourt n’est-ce pas ? »

Jeudi 29 novembre. — Exposition d’Ibels à la Bodinière. J’étais en train d’écrire une note, quand je