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est devenu un métaphysicien, disant des choses plus élevées, que dans ses autres livres, et où il cite cette originale phrase de l’Allemand Bohme : « La matière est comme le portrait d’une personne absente. »

Vendredi 8 juin. — Seconde pose pour un médaillon, qu’exécute d’après moi, Alexandre Charpentier.

Une curieuse innovation de l’artiste, et dont je crois qu’il n’y a pas d’exemple, chez les sculpteurs anciens et modernes. Son esquisse en terre, après son premier travail, il la moule, et établit son médaillon fini, sur une suite d’épreuves semblables à des états d’eaux-fortes, et quelquefois, il va à six moulages. Il s’est même amusé, une année, à faire, tous les cinq ou six jours, une esquisse de son petit garçon, et à le mouler. À l’heure présente, il a exécuté un nombre infini de médaillons, et une série de presque tous les auteurs, et acteurs, et actrices du Théâtre-Libre.

Comme je l’interroge sur ses débuts, il me dit bravement qu’il est le fils de pauvres. Il a voulu se faire sculpteur, ayant alors la conception d’un sculpteur, comme d’un homme monté sur un échafaudage, frappant sur un ciseau avec un maillet. Sur le refus de son père de lui laisser prendre cette carrière, il abandonna la maison paternelle, et subsista on ne peut savoir comment, pendant des années de