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l’heure présente, elle publie six articles par semaine. Et elle ajoute qu’elle n’est pas attirée par le livre, mais bien par le théâtre, déclarant, du haut d’une vue assez profonde de l’époque, que dans ce moment, où tout se précipite, il est besoin du succès immédiat, qu’il n’y a pas pour les gens de l’heure présente, à attendre les revanches, que des oseurs, comme mon frère et moi, ont obtenues, que du reste, elle trouve, que le théâtre est un meilleur metteur en scène de la passion que le livre. Comme je lui parle des obstacles, des empêchements qu’on rencontre au théâtre, elle m’affirme — et sa figure prend un caractère de résolution — qu’elle a une volonté, que rien ne décourage, que rien ne rebute, et qui arrive toujours au but qu’elle s’est fixé.

Jeudi 18 février. — Dîner chez Daudet avec les ménages Rodenbach, Jeanniot, Frédéric Masson, et Rollinat, et Scholl.

Scholl a été vraiment, tout le dîner, avec une voix enrouée, me rappelant celle de Villemessant, verveux, drolatique, abondamment spirituel, et cela aujourd’hui, sans aucune férocité contre personne. Il a travaillé à séduire le monde d’ici, et il a tout à fait réussi. Et vraiment, quand on réfléchit à la dépense de substance cérébro-spirituelle, faite par cet homme de soixante ans, tout le long des heures des journées de tous les jours, on est étonné de la vitalité intelligente de ce puissant Bordelais.