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mères, et que dans un bal, qui avait lieu chez une très grande dame de sa connaissance, toutes les chambres étaient occupées par un jeune homme et une jeune fille, en train de flirter — rien de plus — mais qu’un groupe flirtait même dans le cabinet de toilette de la maîtresse de maison.

Je me trouve à la musique, assis à côté du prince d’Annam, interné à Alger, et en traitement ici. Il est coiffé d’un madras noir, coquettement tortillé sur sa tête, et habillé d’une élégante blouse-veston gris perle, avec un large pantalon flottant de la même étoffe, recouvrant des souliers de cuir de Russie et avec ses gants chamois et son ombrelle d’été, il est tout charmant dans sa pose molle et affaissée, sur une chaise de fer, pendant que d’une main jaune, dégantée, il marque la mesure d’une valse.

C’est curieux cette tête, à l’ovale ramassé, aux yeux retroussés, aux grosses lèvres, et qui a quelque chose de féminin qu’il doit à sa coiffure, et à deux mèches de cheveux, lui faisant des espèces d’accroche-cœurs aux tempes : tête tantôt égayée de vrais rires d’enfant, tantôt s’enfermant dans un sérieux, mauvais, perfide.

Dimanche 18 juin. — On citait un ménage de vignerons, près d’Auxerre, qui avait bu dans l’année vingt-sept feuillettes de vin, et quatre feuillettes d’eau-de-vie. Le mari était mort, mais la femme avait résisté.