l’état moral de la société actuelle, et ce n’est pas commun au théâtre. Daudet possède tout à fait à un degré supérieur l’invention scénique, qu’ont bien moins que le romancier de Sapho, les faiseurs attitrés du théâtre. La scène du barbotage de la toilette, montrant le boucher dans l’homme du monde, avant qu’il ait endossé le plastron de soirée, c’est vraiment pas mal. La tentative d’empoisonnement de la duchesse, au moment où on lit dans le salon de l’hôtel l’étude sur Lebiez, c’est comme une coïncidence dramatique, d’une ingéniosité plus forte, je crois, que les ingéniosités d’un dramaturge quelconque. Mais ce que je trouve de tout à fait remarquable dans l’ordre de l’imagination théâtrale, c’est la trouvaille de la façon dont le poison vient naturellement dans la poche de Paul Astier, et comme l’auteur fait d’une manière, pour ainsi dire explicable, de ce flacon presque un agent provocateur.
Jeudi 31 octobre. — Loti est venu de Rochefort, pour assister à la Lutte pour la Vie, et s’il vous plaît, en grand uniforme. En dînant, on cause des candidats pour le fauteuil d’Augier, et au milieu de cette causerie, Daudet demande à Loti, pourquoi il ne se présente pas. Loti répond naïvement qu’il se présenterait bien, mais qu’il ne sait pas trop comment ça se fait. Alors l’idée un peu méphistophélique de jeter de l’imprévu, dans les combinaisons