Page:Goncourt - Journal, t7, 1894.djvu/37

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je ne lui reconnais absolument qu’une qualité, c’est le grouillement d’une foule, comme dans le « Massacre de Liège », comme dans le « Boissy d’Anglas », et où l’exagération de la mimique de chacun, disparaît dans le mouvement général de tous.

Au fond, un vrai peintre n’est jamais, dans ses tableaux, un illustrateur de littérature. Il peint les choses lui tombant sous la vue, des hommes, des femmes, des paysages, des étoffes, que sais-je, mais, il va très peu chercher les motifs de sa palette dans les bouquins. Un peintre littéraire — on pourrait formuler cet axiome — est toujours un peintre incomplet — et cela depuis Delaroche jusqu’à Eugène Delacroix.

Enfin aujourd’hui, le grand peintre m’apparaît, comme un Beaulieu, comme ce romantique cocasse du pinceau.

Daudet, parlant, ce soir, du bien-être de la vie de son fils aîné, que celui-ci trouve tout naturel, raconte qu’il était passé avec lui dans la journée, devant la fontaine du Luxembourg, et que la fontaine lui avait rappelé, aujourd’hui, ce souvenir.

Un jour de l’année de ses dix-sept ans, un jour d’hiver où il n’avait pu payer sa chambre, et où on lui avait refusé sa clef, il fut contraint de se promener toute la nuit, pour qu’on ne le ramassât pas, et le matin, en face de cette fontaine, quand il était mort de fatigue et de froid, il eut la chance de rencontrer un ami qui lui donna la clef de sa chambre, et le