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Au fond, ce Rollinat est un curieux produit de cette maison Callias, de cet atelier de détraquage cérébral, qui a fait tant de toqués, d’excentriques, de vrais fous. Il nous parle de la séduction à la Circé, de la séduction fascinatrice de cette maison, qui lui faisait passer toute la journée à la mairie, en regardant, à tout moment, sa montre, et appelant l’heure, où il lui serait donné de prendre son envolée vers ce Portique Batignollais, où, du dîner jusque bien avant dans la nuit, un cénacle de jeunes et révoltées intelligences, se livraient, fouettées par l’alcool, à toutes les débauches de la pensée, à toutes les clowneries de la parole, remuant les paradoxes les plus crânes, et les esthétiques les plus subversives, dans la surexcitation d’une jolie femme, d’une Muse légèrement démente.

Une sorte d’ivresse intellectuelle, hachichée, dit Rollinat, qui empêchait tout travail, le mettant tout entier dans la dépense orgiaque de la conversation, en ce logis, où se disait qu’on causait, comme en nul autre endroit de Paris.

Mardi 23 mars. — Je partais savoir des nouvelles de Robert Caze, que Daudet m’avait dit aller mieux, et j’étais presque arrivé au chemin de fer, lorsqu’un jeune homme s’approche de moi, me salue, me demande si je ne suis pas M. de Goncourt. Sur mon affirmation, il me dit : « Voici Grand’Mère, le volume