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Samedi 7 juin. — Je suis à l’enterrement du vieux Mahérault, l’avant-dernier collectionneur sincère, l’avant-dernier collectionneur pauvre — je me regarde comme le dernier, — et je n’entends que colloques sans pudeur d’amateurs, tout éjouis par la perspective de la vente, et ne vois que têtes de marchands d’estampes, travaillant à attirer sur elles, l’attention de la famille.

Dimanche 8 juin. — Déjeuner en tête à tête avec Flaubert, ce matin.

Il me dit que son affaire est faite. Il est nommé conservateur, hors cadre, à la Mazarine, aux appointements de 3 000 francs, qui doivent être augmentés dans quelques mois. Il ajoute qu’il a vraiment souffert d’accepter cet argent, et que du reste, il a déjà pris des dispositions, pour qu’il soit un jour remboursé à l’État. Son frère, qui est très riche et mourant, doit lui faire 3 000 livres de rente : avec cela, sa place et ses gains de littérature, il se retrouvera à peu près sur ses pieds.

Flaubert, l’ennemi des illustrations, songe aujourd’hui à l’illustration de sa féerie, avec des dessins de peintres — et non de dessinateurs, dit-il avec mépris.

Il est plus briqueté, plus coloré à la Jordans que jamais, et une mèche de ses longs cheveux de la nuque, remontée sur son crâne dénudé, fait penser à son ascendance de Peau-Rouge.