Page:Goncourt - Journal, t6, 1892.djvu/85

Cette page a été validée par deux contributeurs.

livres — et le jour est tout gris, tout pluvieux, vraiment fait pour la lecture. Je me plonge dans un voyage au Zambèze, dans un voyage au milieu du pays des lions, là, où l’on en rencontre des troupes de trente, marchant à la queue-leu-leu. Toute la journée, je suis à l’émotion de leurs rugissements au bord des grands fleuves, et le soir, me rappelant tout à coup, que Burty fait une conférence sur mes dessins à l’École des Beaux-Arts, le quai Malaquais m’apparaît lointain, lointain, comme si j’étais au fond de l’Afrique, — et je reste au Zambèze.

Dimanche 18 mai. — Cette fois, j’avais cru que la nature de mon livre, ma vieillesse même, désarmeraient la critique. Mais non, c’est un éreintement sur toute la ligne. Barbey d’Aurevilly, Pontmartin, etc., ont déclaré les Frères Zemganno un livre détestable.

Pas un de ces critiques ne semble s’apercevoir de l’originale chose essayée par moi dans ce livre, de la tentative faite pour émouvoir avec autre chose que l’amour, enfin de la substitution dans un roman d’un intérêt autre, que celui employé depuis le commencement du monde.

Allons, je serais attaqué et nié jusqu’au jour de ma mort, et même peut-être quelques années après. Au fond, il faut l’avouer, ça fait, en mon par dedans, une espèce de tristesse qui se traduit par un casse-