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Mardi 11 février. — Le travail de la note d’après nature, de la saisie rapide et fiévreuse pendant toute une soirée, dans un cirque, de ces riens qui durent une seconde, me jette à la fin dans un état d’émotion étrange, avec dans la cervelle du vague exalté, dans le corps du remuement inquiet, dans les mains de petits tremblements nerveux.

Mercredi 12 février. — Boitelle, qu’on n’a pas vu chez la princesse, depuis des éternités, vient ce soir. Il parle de la désorganisation du service de sûreté, de ces hommes uniques, qui avec un flair de chien de chasse, et sans se rendre bien compte comment — c’était l’aveu de l’un d’eux — arrivent à la connaissance du voleur, de l’assassin.

C’est celui-ci, qui arrive chez Giraud, examine l’effraction, et dit : « Ça, c’est un maçon… et c’est un Limousin. » Puis au bout de quelques instants de réflexion : « Et c’est “un tel.” » C’est celui-là qui arrive chez un autre monsieur volé, lui demande à voir les gens de service, adresse à l’un cette question :

— Est-ce que je ne vous ai pas vu à l’estaminet du Helder ?

— Non.

Et l’homme sorti : « Voilà le voleur… C’est un pédéraste… il a fait le coup avec son amant, qui doit avoir la garde du magot… Demain je saurai, qui il est. »