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puis encore trois autres becs, trois autres oiseaux : le premier grisâtre, le second au ventre blanc, aux ailes vertes ; le troisième ayant l’apparence d’une fauvette à tête noire ; le quatrième avec du rouge dans le cou d’un rouge-gorge. Il ajouta à la fin, au haut du panneau, un cinquième oiseau, un calfat au bec de corail. Ces cinq oiseaux furent exécutés avec le travail le plus précieux et presque le frou-frou révolté de leurs plumes.

Et c’était charmant de voir notre Japonais travailler, tenant deux pinceaux dans la même main, l’un tout fin et chargé d’une couleur intense et filant le trait, l’autre plus gros et tout aqueux, élargissant la linéature et l’estompant : tout cela avec des prestesses d’escamoteur, debout devant sa petite table aux gobelets.

Sur le fond, laissé complètement vierge, il a mouillé la plus grande partie, réservant, çà et là, des déchiquetures, pareilles à de petits archipels, et dont l’ensemble avait une certaine ressemblance avec une carte du Japon. Le panneau a été un peu séché à la flamme d’un journal, et retiré, lorsqu’il conservait un rien d’humidité dans les parties mouillées.

Alors brutalement, et comme sans souci de la délicatesse de son dessin, il a fait pleuvoir de gros pâtés d’encre de Chine, qui étendus avec un blaireau, ont détaché sur la légère demi-teinte d’un ciel gris, les branchages et les oiseaux enfermés dans une couche de neige, faite miraculeusement par ces espèces d’archipels gardés secs dans le papier.