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―――― Dîner chez Matzugata, le commissaire général de l’Exposition du Japon.

Une pendule en forme de chalet suisse, de faux meubles de Boule, un service de table en affreuse porcelaine anglaise, représentant des scènes de chasse d’après les dessins de Victor Adam et de Grenier, c’est là, le mobilier de cette résidence japonaise. Autour de la table, la tête un peu sauvage de Matzugata, qui ne parle pas français, la tête souriante et un peu jésuitique de Maeda, la tête hilare d’un jeune Japonais à la figure caricaturale de ces jeunes filles, que sculptent les ivoiriers japonais, puis, la tête d’About, la tête de Pelletan, la tête de Charcot.

Un dîner des plus fins, des plus délicats, avec toutes les recherches européennes de la dernière heure, et débutant par des tartelettes à l’Agnès Sorel.

Le pourquoi ce dîner a été donné, aurait pu fournir un chapitre à Balzac. Un ami à moi, est très énamouré d’une juive de la grande société, désirant posséder un de ces chênes nains de cent cinquante ans, qui tiendrait dans le pot de terre d’un rosier. Le commissaire japonais se refusait à le vendre et voulait le rapporter au Japon. Or, ce dîner en principe était donné à Gambetta, qui devait demander le chêne au dessert, mais il n’a pu venir qu’après dîner. Toutefois la demande avait été faite par lui, et moyennant ce dîner, et peut-être encore la création d’un consulat sur les côtes du Nippon, la carissima de mon ami aura son chêne.